A la fin de la guerre patriotique, la nation soviétique célébra avec fierté les victoires magnifiques remportées grâce à d'immenses sacrifices et des efforts colossaux. Le Parti était sorti de la guerre encore plus uni; dans le feu des combats, les cadres du Parti s'étaient trempés et durcis. Dans ces conditions, personne n'aurait même pensé à la possibilité d'un complot dans le Parti.
Et c'est précisément à cette époque qu'est née l'affaire dite de Léningrad. Comme cela a maintenant été établi, il s'agissait d'un coup monté. Parmi ceux dont la vie a été sacrifiée se trouvaient les camarades Voznessenski, Kouznetsov, Rodionov, Popkov et d'autres [note] [note angl.].
Comme on le sait, Voznessenski et Kouznetsov étaient des dirigeants éminents et compétents. Ils avaient été à une certaine époque très proches de Staline. Il suffit d'indiquer que Staline avait fait de Voznessenski le premier vice-président du Conseil des ministres et que Kouznetsov avait été élu secrétaire du Comité central. Le fait même que Staline avait confié à Kouznetsov le contrôle des organismes de la sûreté de l'Etat prouve la confiance dont il jouissait [note angl.].
Comment se fait-il que ces personnes aient été dénoncées comme ennemis du peuple et liquidées?
Les faits prouvent que "l'affaire de Léningrad" est aussi la conséquence de l'arbitraire dont Staline faisait preuve à l'encontre des cadres du Parti.
S'il avait existé une situation normale au Comité central et au Politburo, des affaires de ce genre auraient été examinées conformément à la pratique du Parti, et les faits s'y rapportant y auraient été appréciés; une telle affaire, comme d'autres, n'aurait pu se produire.
Nous devons dire qu'après la guerre la situation ne fit que se compliquer. Staline devint encore plus capricieux, irritable et brutal; en particulier, ses soupçons s'accrurent, sa folie de la persécution atteignit des proportions incroyables. A ses yeux, de nombreux militants devinrent des ennemis. Après la guerre, Staline ne fit que se séparer davantage de la collectivité. Il décidait de tout, tout seul, sans considération pour qui ou pour quoi que ce fût.
Cette incroyable suspicion fut habilement exploitée par l'abject provocateur et vil ennemi Béria, qui avait assassiné des milliers de communistes et de Soviétiques loyaux. L'ascension de Voznessenski et de Kouznetsov avait inquiété Béria. Comme nous l'avons maintenant établi, c'est précisément Béria qui avait "suggéré" à Staline la fabrication par lui-même et ses hommes de confiance de matériaux sous forme de déclarations et de lettres anonymes, ainsi que de bruits et racontars divers.
Le Comité central du Parti a étudié cette prétendue "affaire de Léningrad"; les innocents qui ont souffert sont maintenant réhabilités, et l'honneur a été rendu à la glorieuse organisation du Parti de Léningrad. Abakoumov [note] et d'autres, qui avaient fabriqué ce procès, ont été envoyés devant un tribunal; leur procès a eu lieu à Léningrad et ils ont été traités comme ils le méritaient [note angl.].
Une question se pose: comment se fait-il que la vérité sur cette affaire ne nous apparaisse que maintenant, et pourquoi n'avons-nous rien fait avant, du vivant de Staline, afin d'empêcher la suppression de vies innocentes? C'est parce que Staline avait personnellement contrôlé l' "affaire de Léningrad" et que la majorité des membres du Bureau politique à cette époque ignoraient tout des circonstances de ces affaires et par conséquent ne pouvaient intervenir.
Lorsque Staline eut reçu certains documents de Béria et d'Abakoumov, sans étudier ce matériel calomnieux, il ordonna une enquête sur "l'affaire" de Voznessenski et Kouznetsov. Leur sort était dès lors scellé.
Tout aussi instructif est le cas de l'organisation nationale Mingrelian, qui existait soi-disant en Géorgie [note]. Comme on le sait, des résolutions concernant cette affaire avaient été prises en novembre 1951 et mars 1952 par le Comité central du parti communiste de l'Union soviétique. Ces résolutions ont été adoptées sans discussion préalable au Bureau politique. Staline les avait dictées personnellement. Elles formulaient de graves accusations contre de nombreux communistes loyaux. En se basant sur des documents falsifiés, on avait établi qu'il existait en Géorgie une soi-disant organisation nationaliste dont le but était la liquidation du pouvoir soviétique dans cette république, avec l'aide des puissances impérialistes [note angl.].
Un certain nombre de militants responsables du Parti et des soviets furent arrêtés en conséquence. Comme cela a été prouvé ultérieurement, il ne s'agissait en réalité que de calomnies contre l'organisation géorgienne du Parti.
Nous savons qu'il y a eu à une certaine époque, en Géorgie comme en plusieurs autres républiques, des manifestations de, nationalisme bourgeois. La question se pose: était-il possible qu'au moment où ont été prises les résolutions auxquelles il vient d'être fait allusion, les tendances nationalistes aient progressé au point qu'il ait existé un danger de voir la Géorgie se détacher de l'Union soviétique et se joindre à la Turquie?
(Mouvements dans la salle et rires.)
Cela est, bien entendu, une folie. Il est impossible d'imaginer comment de telles idées pouvaient pénétrer dans l'esprit de qui que ce fût. Chacun sait comment la Géorgie s'est développée dans les domaines économique et culturel sous le gouvernement soviétique.
La production industrielle de la République de la Géorgie est de vingt-sept fois supérieure à ce qu'elle était avant la révolution. Plusieurs industries nouvelles ont été créées en Géorgie qui n'existaient pas avant la révolution: fonderies, huileries, fabriques de construction de machines, etc. L'analphabétisme, qui atteignait 78 % de la population en Géorgie pré-révolutionnaire, n'existe plus depuis longtemps.
S'ils comparaient la situation dans leur république avec celle qui est faite aux masses laborieuses de Turquie, les Géorgiens pourraient-ils jamais aspirer à s'unir à la Turquie'? En 1955, la Géorgie a produit dix-huit fois plus d'acier par habitant que la Turquie. La Géorgie produit neuf fois plus d'énergie électrique que la Turquie. D'après le recensement de 1950, 65 % de la population totale de la Turquie est illettrée. Parmi les femmes, 80 % sont illettrées. La Géorgie possède dix-neuf institutions d'études supérieures, fréquentées par trente-neuf mille étudiants environ, soit huit fois plus qu'en Turquie (pour mille habitants). La prospérité de la classe laborieuse, de Géorgie a énormément augmenté sous l'administration soviétique.
Il est évident qu'à mesure que l'économie et la culture se développeront et que la conscience socialiste des masses augmentera en Géorgie, 1a source à laquelle puise le nationalisme bourgeois se tarira.
Comme l'a prouvé la suite des événements, il n'existait pas d'organisation nationaliste en Géorgie. Des milliers de personnes innocentes furent victimes de l'arbitraire et de l'anarchie. Tout cela se produisit sous la direction "géniale" de Staline, le "grand fils de la nation géorgienne", comme les Géorgiens aiment appeler Staline [note angl.].
(Mouvements dans la salle.)
L'obstination de Staline se manifesta non seulement dans le domaine des décisions qui concernaient la vie intérieure du pays, mais également dans celui des relations internationales de l'Union soviétique.
Le plénum de juillet du Comité central a étudié en détail les raisons qui provoquèrent le conflit avec la Yougoslavie. Le rôle qu'y a joué Staline a été scandaleux. Les problèmes posés par l' "affaire yougoslave" auraient pu être résolus grâce à des discussions entre partis et entre camarades. Il n'existait pas de fondement sérieux de nature à justifier la suite prise par cette "affaire". Il était tout à fait possible d'empêcher la rupture des relations avec ce pays. Cela ne signifie pas toutefois que les chefs yougoslaves aient été exempts d'erreurs ou d'imperfections. Mais ces erreurs et imperfections ont été amplifiées d'une manière monstrueuse par Staline, ce qui amena une rupture des relations avec un pays ami.
Je me souviens des premiers jours du conflit entre l'Union soviétique et la Yougoslavie, époque à laquelle il commença à être artificiellement gonflé. Un jour, arrivant de Kiev à Moscou, je fus invité à rendre visite à Staline, qui, me montrant la copie d'une lettre envoyée à Tito, me dit: "Avez-vous lu ceci?" [note angl.]
Sans attendre ma réponse, il déclara: "Il me suffira de remuer le petit doigt et il n'y aura plus de Tito. Il s'écroulera."
Nous avons payé cher ce "geste du petit doigt". Cette déclaration reflétait la folie des grandeurs de Staline, mais il agissait précisément de cette manière: "Je lèverai le petit doigt... et il n'y aura plus de Kossior", "Je lèverai le petit doigt une fois encore et il n'y aura plus de Postychev ni de Choubar", "Je lève encore une fois le petit doigt et Voznessenski, Kouznetsov et maints autres disparaissent".
Mais cela n'a pas marché avec Tito. Quelles que soient l'intensité et la manière dont Staline a remué non seulement le petit doigt, mais tout ce qu'il pouvait remuer, Tito ne s'est pas écroulé. Pourquoi? La raison en est que dans ce cas de désaccord avec les camarades yougoslaves, Tito avait derrière lui un Etat et un peuple qui avaient été à la rude école des combats pour la liberté et l'indépendance, un peuple qui soutenait ses dirigeants.
Vous voyez à quoi conduisait la mégalomanie de Staline [note]. Il avait perdu conscience de la réalité; il manifestait son arrogance et ses soupçons non seulement envers les individus de l'Union soviétique, mais envers des partis et des nations entières.
Nous avons soigneusement examiné le cas de la Yougoslavie, et nous avons trouvé une solution convenable qui est approuvée par les peuples de l'Union soviétique et de la Yougoslavie, aussi bien que par les masses laborieuses de toutes les démocraties populaires et de toute l'humanité. Il a été procédé à la liquidation des rapports anormaux avec la Yougoslavie dans l'intérêt de l'ensemble du camp du socialisme, dans l'intérêt de la consolidation de la paix dans le monde entier.
Rappelons "l'affaire du complot des médecins". (Mouvements dans la salle.) En fait, il n'y avait pas d' "affaire" en dehors de la déclaration de la doctoresse Timachouk, qui avait probablement été influencée ou avait reçu des ordres de quelqu'un - après tout c'était une collaboratrice officieuse des organismes de sécurité d'État - pour écrire à Staline une lettre dans laquelle elle avait déclaré que les médecins appliquaient prétendument une thérapeutique impropre [note angl.].
Cette lettre a suffi à Staline pour lui permettre de conclure immédiatement qu'il existait des médecins qui complotaient en Union soviétique. Il ordonna l'arrestation d'un groupe d'éminents spécialistes en médecine et donna son opinion personnelle quant à la conduite de l'enquête et la méthode à utiliser pour interroger les personnes arrêtées. Il dit que l'académicien Vinogradov devait être mis aux chaînes, qu'un autre devait être battu. L'ancien ministre de la Sécurité d'Etat, le camarade Ignatiev [note] assiste à notre Congrès en qualité de délégué. Staline lui dit brutalement:
"Si vous n'obtenez pas de confession de la part des docteurs, nous vous trancherons la tête." [note angl.]
(Tumulte dans la salle.)
Staline fit personnellement venir le juge chargé de l'enquête, lui donna des instructions et des conseils sur les méthodes d'interrogatoire à utiliser. Ces méthodes étaient simples: battre, battre et encore battre.
Peu après l'arrestation des médecins, nous, membres du Bureau politique, reçûmes les procès-verbaux les concernant; c'étaient des aveux de culpabilité. Après la distribution de ces procès-verbaux, Staline nous dit:
"Vous êtes aveugles comme des chatons. Qu'arrivera-t-il sans moi? Le pays périra parce que vous ne savez vas comment reconnaître des ennemis." [note angl.]
Le cas fut présenté de telle sorte que personne ne pouvait être en mesure de vérifier les faits sur lesquels les investigations étaient basées. Il n'était pas possible d'essayer de Contacter les personnes qui avaient reconnu leur culpabilité et de vérifier les faits.
Nous sentions cependant que le cas des médecins arrêtés était douteux. Nous connaissions certains d'entre eux personnellement parce qu'ils avaient eu l'occasion de nous soigner. Quand nous vînmes à examiner ce "cas" après la mort de Staline, nous trouvâmes qu'il avait été inventé du commencement à la fin.
Ce "cas" ignoble fut monté par Staline. Il ne disposa pas cependant du temps nécessaire pour le mener à bonne fin (du moins comme il entendait cette fin), et c'est pour cette raison que les médecins sont encore en vie. Actuellement, tous sont réhabilités; ils occupent les mêmes fonctions qu'auparavant. Ils soignent des personnalités haut placées, y compris des membres du gouvernement. Ils possèdent toute notre confiance et ils accomplissent leur tâche honnêtement, tout comme ils le faisaient dans le passé.
Un rôle spécialement bas a été joué par un ennemi féroce de notre parti, Béria, agent d'un service d'espionnage étranger [note] dans l'organisation de certaines affaires sales et honteuses. Béria avait gagné la confiance de Staline. De quelle manière ce provocateur parvint-il à atteindre une situation au sein du Parti et de l'Etat, de façon à devenir le premier vice-président du Conseil des ministres de l'Union soviétique et le membre du Bureau politique du Comité central? Il est maintenant prouvé que ce scélérat a gravi les différents échelons du pouvoir en passant sur un nombre incalculable de cadavres [note].
Existait-il des indices indiquant que Béria était un ennemi du Parti? Il en existait, en effet. Déjà en 1937, lors d'un plénum du Comité central, l'ancien commissaire du Peuple à la Santé publique Kaminski [note], déclarait que Béria travaillait pour les services d'espionnage du Moussavat [note]. Le plénum du Comité central avait à peine achevé ses travaux que Kaminski était arrêté et fusillé. Est-ce que Staline avait examiné la déclaration de Kaminski? Non, parce que Staline avait confiance en Béria et que cela lui suffisait. Et, lorsque Staline croyait en quelqu'un ou en quelque chose, personne ne pouvait avancer une opinion contraire. Quiconque aurait osé exprimer une opinion contraire aurait subi le sort de Kaminski [note angl.].
Il existait également d'autres indices.
La déclaration que fit le camarade Snegov [note] au Comité central du Parti est intéressante. Disons, entre parenthèses, que Snegov a été réhabilité il y a peu de temps après avoir passé dix-sept années dans des camps de prisonniers. Dans sa déclaration, Snegov écrivait [note angl.]:
"En ce qui concerne la réhabilitation proposée de l'ancien membre du Comité central Kartvelichvili-Laurentiev [note], j'ai confié au représentant du Comité de la sécurité d'Etat une déposition détaillée relative au rôle joué par Béria dans l'affaire Kartvelichvili, ainsi qu'aux motifs criminels qui ont guidé son action [note angl.].
Je considère qu'il est indispensable de rappeler ici un fait important relatif à ce cas et de le communiquer au Comité central, car je n'ai pas jugé utile de joindre le document le concernant au dossier des investigations.
Le 30 octobre 1931, lors d'une session du Bureau d'organisation du Comité central du parti communiste (bolchevik) de l'Union soviétique, Kartvelichvili, secrétaire du Comité régional transcaucasien, présenta un rapport. Tous les membres de l'exécutif de ce Comité régional étaient présents; d'eux tous, je suis le seul encore vivant. Pendant cette session, J.V. Staline proposa à la fin de son discours de réorganiser le secrétariat du Comité régional transcaucasien de la façon suivante: premier secrétaire, Kartvelichvili; deuxième secrétaire, Béria (c'était la première fois dans l'histoire du Parti que le nom de Béria était mentionné en tant que candidat pour une fonction dans le Parti). Kartvelichvili répondit qu'il connaissait bien Béria et que pour cette raison il refusait catégoriquement de travailler avec lui. Staline proposa alors de laisser la question en suspens, ajoutant qu'elle pourrait être résolue d'elle même en cours de travail. Deux jours plus tard, la décision avait été prise d'accorder à Béria le poste en question et d'éloigner Kartvelichvili de la région transcaucasienne. Ce fait peut être confirmé par les camarades Mikoïan et Kaganovitch, qui étaient présents lors de cette réunion."
C'était un fait très connu que les relations entre Kartvelichvili et Béria étaient depuis longtemps mauvaises. Cela remontait à l'époque où le camarade Sergo [surnom populaire d'Ordjonikidze] déployait son activité dans la région transcaucasienne. Kartvelichvili était le plus proche collaborateur de Sergo. Ses relations tendues avec Kartvelichvili poussèrent Béria à créer de toutes pièces un "cas" Kartvelichvili [note angl.].
Il est caractéristique de noter que dans ce "cas", Kartvelichvili fut accusé d'avoir fomenté une action terroriste contre Béria.
L'acte d'accusation de Béria contenait une description de ses crimes. Certaines choses devraient toutefois être rappelées, étant donné qu'il est possible que certains délégués au Congrès n'aient pas eu l'occasion de lire ce document. Je voudrais rappeler les méthodes bestiales de Béria dans les cas de Kedrov [note] et de Goloubiev, ainsi que dans celui de la mère adoptive de Goloubiev, Batourina. Toutes ces personnes étaient désireuses d'informer le Comité central des activités perfides de Béria. Elles furent toutes fusillées sans jugement et la sentence ne fut prononcée qu'après leur exécution [note angl.].
Voici que le vieux communiste Kedrov écrivit au Comité central par l'entremise du camarade Andreiev [note] (le camarade Andreiev était alors un des secrétaires du Comité central) [note angl.]:
"Je fais appel à vous du fond d'une triste cellule de la prison Lefortovo. Que mon cri d'horreur atteigne vos oreilles; ne demeurez pas sourds à mon appel; prenez-moi sous votre protection. Je vous supplie de faire en sorte que le cauchemar des- interrogatoires cesse. Montrez que mon cas était basé sur une erreur. [note angl.]
Je suis innocent. Je vous prie de me croire. Le temps prouvera que je dis la vérité. Je ne suis pas un agent provocateur de l'Okhrana tsariste. Je ne suis pas un espion. Je ne suis pas un membre d'une quelconque organisation antisoviétique, comme le font croire certaines dénonciations. Je ne suis coupable d'aucun crime envers le Parti ou le gouvernement. Je suis un vieux bolchevik sans tache. J'ai honnêtement combattu pendant près de quarante ans dans les rangs du Parti pour le bien et pour la prospérité de la Nation.[note angl.]
Aujourd'hui, à l'âge de soixante-deux ans, je suis menacé par les juges chargés de l'instruction de subir des pressions physiques encore plus sévères, cruelles et dégradantes. Ils (les juges) sont désormais incapables de se rendre compte de leur erreur et de reconnaître que leurs procédés sont illégaux et qu'ils ne devraient pas être permis. Ils s'efforcent de justifier leur attitude en me décrivant comme un ennemi endurci et demandent en conséquence qu'on use à mon égard de méthodes répressives accrues. Mais que le Parti sache que je suis innocent et que rien ne peut transformer un fils loyal du Parti en ennemi, même jusqu'au moment où il rendra son dernier soupir.
Mais je ne vois pas d'issue. Je sens que de nouveaux et puissants coups me menacent. Mais tout a cependant une limite. J'ai été torturé à l'extrême. Ma santé est ébranlée, ma force et mon énergie sont en train de faiblir, la fin approche. Mourir dans une prison soviétique et être qualifié de traître à la patrie, que peut-il y avoir de plus monstrueux pour un honnête homme? Et, en effet, comme tout cela est monstrueux! Mon coeur ressent une amertume et une peine insurpassées. Non, non, cela n'arrivera pas, cela ne peut pas arriver. Je le crie. Ni le Parti, ni le gouvernement soviétique, ni le commissaire du Peuple L.P. Béria ne permettront une aussi cruelle, une aussi irréparable injustice. Je suis absolument certain que si un examen objectif, serein, sans colère et sans les redoutables tortures venait à être entrepris, il serait facile de prouver combien sont sans fondement les accusations portées contre moi. Je crois profondément que la vérité et la justice triompheront. Je le crois, je le crois."
Le vieux bolchevik camarade Kedrov avait été reconnu innocent par le collège militaire. Mais, malgré cela, il a été fusillé sur l'ordre de Béria.
(Indignation dans la salle.)
Béria a aussi traité cruellement la famille du camarade Ordjonikidze. Pourquoi? Parce qu'Ordjonikidze avait essayé d'empêcher Béria de mettre à exécution ses plans honteux. Béria s'était débarrassé de tous ceux qui auraient pu le gêner. Ordjonikidze avait été de tout temps un adversaire de Béria et ne l'avait pas caché à Staline. Au lieu d'examiner cette affaire et de prendre les dispositions nécessaires, Staline permit la "liquidation" du frère d'Ordjonikidze et poussa Ordjonikidze lui-même au suicide [note] [note angl.]. (Indignation dans la salle.) Tel était Béria.
Béria a été démasqué par le Comité central du Parti peu de temps après la mort de Staline. Une procédure judiciaire circonstanciée permit d'établir que Béria avait commis des crimes monstrueux. Béria fut, en conséquence, fusillé.
La question se pose de savoir comment Béria, qui avait "liquidé" des dizaines de milliers de personnes, n'a pas été démasqué pendant que Staline était en vie? Il n'avait pas été démasqué plus tôt parce qu'il avait su utiliser très habilement les faiblesses de Staline. Alimentant sans cesse ses soupçons, Béria aidait Staline dans tout et agissait avec son appui.